Les gauchers sont-ils vraiment des déséquilibrés ?

National. Guingamp – Gueugnon, ce soir (20 h). Si les gauchers brillent souvent par une certaine forme de spontanéité, la faiblesse de leur pied droit peut véritablement surprendre au haut niveau. Explications  :

Longtemps dénigrés, souvent déconsidérés, les gauchers sont aujourd’hui particulièrement prisés, notamment dans le football. Si leur succès s’explique d’abord par leur rareté (environ 1 être humain sur 10), ils jouissent également de qualités particulières. Avec Thibault Giresse, meilleur buteur et meilleur passeur guingampais (11 buts, 8 passes décisives), En Avant penche très souvent à gauche.

« Il voit avant, confie Jocelyn Gourvennec, il a en plus une bonne qualité de passes. » Des atouts souvent propres aux gauchers qui constituent parfois la vraie valeur ajoutée de certaines équipes. Le fait d’avoir des gauchers équilibre l’équipe et élargit la palette des passes. Même à la finition, c’est un avantage de pouvoir en avoir. Ils ont souvent, d’ailleurs, de grosses frappes de balle. »
Toutefois, si leur puissance de tir demeure l’une de leur qualité, il serait mensonger d’en faire une généralité. « C’est lié au profil moteur du joueur, explique Yann Kervella, entraîneur adjoint de l’équipe de France U17 et auteur d’une étude importante sur la frappe de balle. On peut distinguer quatre grandes familles de coordinations motrices. Celles-ci ont un impact sur la finesse, la force ou l’habileté. Or les joueurs aux grosses frappes ont souvent un profil appelé « global ». Ils sont bien ancrés au sol et bénéficient d’une forte masse musculaire. Du fait qu’ils soient gauchers, ils bénéficient en plus d’un temps de mise en action relativement bref. L’exemple type, c’est Roberto Carlos. »

« Ils sont exclusifs »
Car les gauchers ont, en effet, une vitesse de réaction plus rapide que celle des droitiers. L’explication est scientifique. « La latéralité gauche est commandée par l’hémisphère droit du cerveau, poursuit Yann Kervella. Or, cet hémisphère droit est celui de la représentation spatiale, celui du traitement de l’info. » De fait, en raison de cette « absence de transfert inter-hémisphérique », le gaucher bénéficie d’un circuit plus court. Et l’information donnée par le cerveau se traduit plus rapidement dans le geste. Un petit plus qui accroît les qualités intrinsèques du joueur, quelle que soit la famille de coordination motrice à laquelle il appartient (globale, habileté, dynamique ou conceptuelle).

Un gaucher disposant d’un profil « habileté » (finesse d’enchaînement, capacité de dosage, grande coordination) sera très précis sur les coups de pied arrêtés et aura une vraie qualité de toucher de balle. Messi a, lui, un profil « rythmique » (allure très séquencée, grande vitesse de mise en action). Il n’est pas toujours très fluide mais bénéficie d’une vitesse de prise de décision très grande, avec, en outre, une habilité technique relativement élevée.

Mais les gauchers se démarquent souvent, aussi, par la médiocrité de leur pied droit. « Ils ne vont pas vers la latéralité moins forte car ils ont un gros point fort, explique Yann Kervella. Même en travaillant leur pied droit, ils n’arriveront probablement jamais à atteindre le niveau de l’autre. Ils sont ainsi très exclusifs. Certains, du moins au haut niveau, savent tout faire du pied gauche. Ils sont tellement déstabilisants avec leur mobilité naturelle qu’ils n’iront pas chercher leur pied droit. »

Ce soir, l’éclairage de Yann Kervella permettra peut-être de deviner la coordination motrice de Giresse ou Lévêque. Quoi qu’il en soit, face à une formation comme Gueugnon, qui opposera vraisemblablement un bloc hyper défensif, la solution pourrait, encore une fois, provenir du flanc gauche.

Matthieu HUET. Ouest-France