Les gauchers contrariés troisième partie

Les gauchers contrariés
3e partie
Conséquences

Quels sont les inconvénients ?
Bégaiement, tics, difficulté d’écriture, troubles du caractères, ce n’est pas rien. Pourtant, l’inconvénient majeur semble être la non appartenance à un groupe clairement identifié : gaucher ou droitier ? On voit bien qu’on ne peut se considérer droitier et on doute d’être encore gaucher. Se réfugier chez les ambidextres peut permettre d’échapper à cette obsédante interrogation, pas forcément aux tracas de la vie quotidienne du gaucher qui reste leur vrai identité.

Jean-Paul Dubois, dans son livre « Éloge du gaucher » [1] nous fait par de son « mal à l’âme » de gaucher contrarié :
[…Il existe une psychologie particulière au gaucher contrarié. Je ne parle pas des troubles du caractère, du langage eloge-du-gaucher-130ou de l’écriture. Non, il s’agit ici d’un mal de l’âme beaucoup plus subtil, que l’on ressent lorsqu’on se penche un peu trop en avant sur soi-même et le sujet. Cela tient à la fois du vertige et de l’exil. Pour vous en faire ressentir au mieux les effets, nous pouvons comparer cela au syndrome de la solitude qu’ont dû éprouver certains réfugiés…]
[…Nous ne pouvons plus, même si nous en éprouvons le désir réintégrer notre famille. Non pas que nous soyons bannis pour avoir failli, mais parce que quelque chose s’est irrémédiablement passé dans notre tête et que le chemin de retour serait trop long, trop pénible…]
[…Et l’on reste sur place, parmi un peuple dont on observe les droits et les coutumes, que l’on singe par habitude et éducation, jamais par conviction. On ne se reconnaît pas en ces gens qui respectent les priorités à la seule condition qu’elles viennent de la droite. Non, on ne se reconnaît pas dans cette écrasante majorité, dans son consumérisme, son opulence, sa suffisance et parfois sa dictature…]
[…Je me trouve dans la peau d’un type qui, devant sa glace, n’y trouverait plus son reflet. C’est le prix du pacte de l’alliance et de la trahison. C’est le résultat d’un contrat signé par d’autres à l’age où nous-mêmes ignorions jusqu’à l’existence de l’écriture et des serments. C’est un contrat sans retour, sans recours ni appel. et contre lequel on ne peut engager la moindre procédure. C’est une félonie à effet retard….]
Que dire de plus ? Sinon qu’il faut absolument avoir lu ce livre !
Et aussi ce qui suit, extrait des pages 131 et 135 de l’étude « L’enfant gaucher » réalisée par Jenny Roudinesco [2] :
[Le gaucher contrarié dans sa préférence manuelle est diminué dans de multiples domaines, et devient nettement inférieur à ce qu’il aurait pu être sans cette rééducation.] p.131 [La connaissance de la droite et de la gauche qui apparaît vers six ans pour le sujet normal manque souvent au gaucher contrarié, qui est obligé de recourir à des stratagèmes variés pour ne pas se tromper de côté.] p.135

Quels seraient les avantages ?
Abattu, affligé, agacé, dépité, dérangé, désespéré, désolé, desservi, embêté, empêché, ennuyé, entravé, gêné, irrité, mécontenté… cette liste de « maux », tous synonymes de contrarié, présente un avantage, elle nous dispense de nous attarder sur les improbables bienfaits qui amélioreraient la vie du gaucher que l’on a contrarié.

Alain Galobardès

[1] Jean-Paul Dubois « Éloge du gaucher » Éditions de l’Olivier.

Jean-Paul Dubois est un écrivain français. Il a obtenu le grand prix de l’humour noir en 1991 pour « Vous aurez de mes nouvelles », le prix France Télévisions en 1996 pour « Kennedy et moi », le prix Fémina en 2004 pour « Une vie française » et le prix Goncourt 2019 pour « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon ».

[2] Jenny Roudinesco (1903-1987) est plus connue sous le nom de Jenny Aubry. Médecin des hôpitaux, pédiatre, neurpsychiatre et psychanalyste française, elle a réalisé un travail pionnier sur les effets négatifs de la carence de soins maternels chez le jeune enfant.  Lire aussi…

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